”La rousse se précipite vers la porte, vers l’arme encore enfoncée dans le cadre. Derrière elle, les hurlements inhumains n’ont pas cessé, et Madeleine se surprend à murmurer une prière sans queue ni tête, une litanie incessante qui ne s’adresse à aucun dieu en particulier, tandis qu’elle s’acharne à tirer sur la poignée de l’arme. Qu’importe la foi pourvu qu’on ait le miracle ! En même temps, elle s’intime sans cesse de ne pas se retourner, ne pas regarder, surtout pas…

”Le rire naît au creux de son ventre, une graine de folie implantée par la terreur et qui germe d’un seul coup, qui grandit dans sa poitrine et éclot sur sa bouche en un éclat hystérique. Ses épaules sont secouées comme par des sanglots, mais Madeleine rit, une hilarité démente dont l’écho rebondit sur les murs, résonne dans le Sanatorium. Elle se tient l’estomac et une larme perle au coin de sa paupière pour rouler sur sa joue.

”Ils restèrent tous deux à l'observer sans bruit, alors qu'une mousse compacte dégoulinait sur le parquet poussiéreux. Elle toussa à plusieurs reprises, mais sa gorge semblait obstruée et elle commença à s'étouffer. Il sentit le visage d'Isabelle se poser sur son omoplate. La créature à leurs pieds inspirait plus qu'elle ne respirait. Il fallut plusieurs minutes silencieuses avant qu'elle ne laisse échapper son dernier soupir. La joue d'Isabelle roula sur sa poitrine. — Et voilà. Qu'est-ce que je disais ?

”Après avoir découvert chaque dessin, Sue resta encore plusieurs heures dans la chambre à étudier chaque trait et se poser mille questions. Où serait-il le plus judicieux d'enquêter ensuite ? Nul part, rentre chez toi et essaie plutôt de te casser de là, disait une petite voix dans sa tête. Sans doute la voix de la raison, celle qu'elle n'écouterait pas avant d'avoir tout tenté pour sauver son village. Jade, Juben, Cassandora et tous les innocents pavant les rues méritaient qu'on se batte pour eux.

”(...) prenant une bouchée en tâchant de faire le moins de bruit possible et l'avala sans réelle faim. Puis elle la fit glisser avec un peu d'eau et constatant que le regard du Père Orosco ne l'avait pas quitté depuis qu'il était revenu, elle lui sourit et leva discrètement son verre à son intention, comme elle l'aurait fait pour saluer un seigneur ou un roi, avec une étincelle dans le fond des yeux. Etincelle qui crépita davantage quand il l'interrogea sur les talismans qu'elle portait et qui ne semblait pas le convaincre.